MYANMAR - Les militaires entravent l'élan humanitaire
Article de Courrier international - 30 juin 2008
MYANMAR - Les militaires entravent l'élan humanitaire
Malgré la promesse qu'elle a faite après le cyclone Nargis, la junte birmane continue de ralentir les efforts entrepris pour aider les victimes. Au risque de faire sombrer un peu plus le pays dans le chaos social et économique.
Les mesures récemment prises par la junte birmane pour entraver l'accès aux zones sinistrées par le cyclone Nargis dans le delta de l'Irrawaddy confirment une nouvelle fois la faillite de cet Etat. Le 9 juin, les généraux ont pris de nouvelles directives administratives pour empêcher l'aide internationale de parvenir aux victimes du cyclone. Les directives du gouvernement exigent notamment des agences des Nations unies et de l'ensemble des organisations humanitaires mobilisées qu'elles obtiennent une permission préalable de circulation et de distribution de l'aide auprès de trois organes gouvernementaux différents. Les humanitaires étrangers doivent maintenant posséder une autorisation du ministère de la Défense, de celui des Affaires étrangères et de celui de la Protection sociale, des Secours et de la Réinstallation. Quant aux Birmans, ils doivent se débattre avec les autorités locales, la police, les contrôles de l'armée et les fréquentes demandes de pots-de-vin.
La division d'infanterie légère 66 et le commandement de la région sud-ouest ont été chargés de faire appliquer les nouvelles règles et de contrôler les déplacements dans le delta. Pendant ce temps, les soldats continuent d'emprisonner les personnes "sans permis" qui osent apporter de l'aide aux survivants du cyclone du 2 mai. Le célèbre comédien satirique et militant politique Zarganar, qui a personnellement participé aux opérations de secours dans le delta, a été arrêté et emprisonné le 4 juin. Même chose pour Zaw Thet Hwe, ancien journaliste sportif, qui a été arrêté dix jours plus tard pour avoir distribué de l'aide aux victimes. Au même moment, sept bénévoles d'un groupe connu sous le nom de "Ceux qui enterrent les morts" ont été interpellés après avoir été surpris en train d'enterrer des victimes du cyclone.
Selon les observateurs, ces arrestations seraient liées à l'envoi de fonds par des militants étrangers ou expatriés en faveur d'associations locales dirigées par des personnes respectées, comme Zarganar, et ce au détriment des organisations gouvernementales. Le 16 juin, le quotidien New Light of Myanmar, l'organe officiel du régime, a annoncé que toutes les contributions locales devaient transiter par le sous-comité Reconstruction et réhabilitation du Comité central pour la préparation aux catastrophes naturelles et par ses antennes régionales et municipales. Bon nombre de donateurs privés se disent à présent découragés par la complexité de la procédure mise en place par le pouvoir militaire.
En conséquence, les moines bouddhistes doivent de nouveau jouer un rôle essentiel en œuvrant comme intermédiaires entre les donateurs privés et les victimes du cyclone. Les monastères servent de lieux d'accueil pour les réfugiés. Abandonnés des services gouvernementaux, la plupart des survivants ont trouvé refuge dans les monastères locaux, où ils reçoivent de la nourriture, des soins médicaux et la compassion des moines. La mauvaise volonté du régime et son obstruction administrative empêchent les habitants du delta de se remettre du passage du cyclone. A présent, les craintes sont réelles de voir affluer vers la Thaïlande voisine de nombreux réfugiés en quête d'une vie meilleure. La négligence de la junte est en train de faire sombrer un peu plus un pays déjà fragile dans le chaos social et économique.
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