C'est à l'aide de ma tablette révolutionnaire, confortablement installé dans un vieux Boeing d'Ethiopian, que je couche sur l'écran mes pensées décontractées...
Me voilà embarqué dans une nouvelle aventure : la traversée de l'Afrique vers l'Est. Cap sur Zanzibar.. Pas mal comme destination, non ? Surtout après des mois passés dans la platitude du Sahel !
Difficile de réaliser que je suis en vacances, tant j'ai passé les dernières semaines la tête dans le travail. C'est incroyable à quel point on oublierait presque les contraignantes règles de sécurité tant on se fait happer par le travail ! Certes, je suis et je reste passionné par ce que je fais et la motivation ne retombe pas... mais lorsqu'on s'arrête un peu on réalise que le temps passe et qu'on oublie de penser à soi, qu'on ne prend pas le temps de prendre des nouvelles des siens, restés sur le continent ou quelque part sur le globe.
Ces derniers mois, j'ai tout de même réussi à m'occuper un peu de moi en faisant un régime et du sport (resonablement, entendons-nous bien !). Je peux maintenant apprécier de partir en vacances dechargé de près de 18 kilos superflus !
Je dois tout de même dire que tout cela a été possible grâce à la chaleureuse complicité de ma pédiatre adorée, ma collocataire avec qui je partage de bons moments de décompression ! Bon, elle me dit tous les jours que le régime que je suis n'est pas le meilleur, mais elle m'encourage tout de même en faisant le sien très scrupuleusement et en perdant des kilos à vue d'oeil (bravo Florencia !)
Les nombreuses discussions sur la qualité nutritionnelle des aliments, la précision de notre vieille balance et autres trucs et astuces des magazines, nous permettent de parler d'autre chose que du travail... Il y a bien aussi quelques gossips et autres ragots, mais pas suffisamment pour nous permettre d'éviter les retours quotidiens sur la dernière réunion, sur la richesse du dernier compte rendu, sur le pic palu, sur l'évolution des statistiques d'admission....
La richesse de nos projets est telle qu'elle nous prend aux tripes. Comment ne pas chercher à tout faire pour répondre à une epidémie de Choléra ou de rougeole par exemple ?!
Cela dit, je me souviens que je suis maintenant en vacances et qu'il serait peut être l'heure de lâcher un peu avec le boulot... J'ai envoyé mon dernier texto depuis Ouaga à mon cher collègue Nicolo, le roi des finances, en lui avouant avoir oublié d'avoir envoyé un fichier avant de partir. Mais maintenant que je survole le Tchad, il est grand temps de mettre mon cerveau en pause !
Beef or cheese ?! À oui... Il est l'heure de manger... Avec ce casque antibruit, à l'écoute des chansons légères de notre ami Philippe Catherine, j'en oublierais presque que je suis dans un avion ! Espérons que ce petit repas, accompagné d'un petit verre de rouge, m'aideront à passer en mode vacances... A suivre !
Pas mauvais ce bœuf ! Un plateau repas plus tard, me voilà de retour au dessus de mon écran.
C'est incroyable comme j'arrive à me contrôler et à manger si peu... Pourvu que ça dure !
Je me vois déjà faire le beau sur les plages de surfeurs... Enfin, ça c'est pour le cliché car en réalité ce sera plutôt coincé dans une combinaison de plongée qui, j'en suis sur, saura mettre en valeur ce dernier gros bourrelet qui s'accroche !!
Je risque bien de garder des traces indélébiles de cette expérience de vie en vase clos. Reste à savoir si ça se limitera à l'apparence physique ou à un vieillissement prématuré !! Toujours est-il que les questions sur le sens de tout cela remontent à la surface.
Suivant de loin ce qui se passe en France, en Europe et ailleurs, cela ne fait qu'augmenter le nombre de questions sur l'état de notre planète, sur la nature et la bétise humaine... Et surtout sur les inégalités. Je n'ai de cesse de penser à cette petite formule "quand on voit ce qu'on voit, quand entend ce qu'on entend, et bien on a bien raison de penser ce qu'on pense !". Ce n'est pas très profond me direz-vous, mais quand on y pense, ça fait réfléchir, non ?
Et cette crise qui n'en fini pas ? Ne sommes nous pas dans un monde malsain ? Et tous ces gens déplacés et/ou qui meurent de faim un peu partout ? Et dire que pendant ce temps là certains passent leur temps à observer le tour de taille de Carla... Je t'en foutrais...!
Oui, à bien y réfléchir, je suis très content et très fier de m'être engagé dans l'humanitaire. La tâche est immense et il faut rester réaliste : on ne changera pas le monde tous seuls. Mais si au moins on arrive à réduire des souffrances, sauver des vies et faire renaître des sourires, ce n'est vraiment pas du luxe !
Il est vrai que les efforts et le prix à payer sont énormes. On a parfois l'impression de donner sa vie à son travail : pas d'horaires, pas de liberté, pas d'intimité, manque de loisirs, enfermement, manque de contacts avec l'extérieur... Tout cela amène bien évidemment à réfléchir. Pourquoi être obligé de partager tous les moments de sa vie avec ses collègues ? Pourquoi tant de protections, de privations, de limites...?
Il suffit malheureusement de prendre connaissance des informations pour avoir la réponse à toutes ces questions : un nouvel enlèvement d'occidentaux (et même d'humanitaires) et les règles reprennent tout leur sens.
On en revient alors à la question centrale : pourquoi sommes nous là ?
Une visite sur les projets et tout redevient clair...
Un chef de village vous regarde droit dans les yeux, entouré de dizaines d'hommes, vous supplie de ne pas partir, vous démontre que notre présence est vitale pour tout les villageois... Et oui... Ce genre de moment fort donne des frissons et fait réfléchir... Et ce sont les frustrations qui disparaissent, la motivation qui repart immediatement, l'engagement qui reprend tout son sens... et quant aux petits sacrifices personnels, il sont bien vite oubliés ! Notre vie est finalement bien confortable !
Pas évident d'arriver à prendre du recul et à accepter nos incohérences, à ne pas rougir du luxe dans lequel nous vivons et qu'on apprécie tant. Et si tout ce travail, toute cette implication, était un moyen de déculpabiliser ?! Me concernant, je n'ai pas l'impression, mais qui sait, si je creusais un peu ?! Finalement c'est comme donner de l'argent à une ONG, sauf que sur une mission, on donne un peu plus... On sacrifie un peu plus...
Mouais... Je crois que les vacances sont vraiment bienvenues ! Le recul est nécessaire...
Et dire que je me posais encore la question de savoir si je prenais mon MacBook en plus de mon iPad... Heureusement j'ai su être raisonnable en n'emportant que ma tablette. Au passage je dois avouer que le confort d'écriture est assez incroyable, surtout dans un avion... Quand je vous parlais d'incohérence...!
Je regarde par le hublot : toujours pareil : tout est plat et aride !
Après plus de 15 mois, je commence à m'y habituer ! Et dire que je n'étais pas attiré par l'Afrique : elle aura su me séduire et faire rester, même s'il est vrai que la magie et la beauté de l'Asie me manquent terriblement.
J'entends déjà des voix me demander si j'ai oublié la France, mon pays, ma patrie...!! Bien sûr que non ! L'éloignement est toujours compliqué, avec la sensation grandissante de perdre le lien avec les proches. Mais je sais que je reviendrais un jour. J'avais toujours dit que si Nicolas prenait le pouvoir, je quitterais la France, et je l'ai fait ! À priori dans 6 mois, ce sera notre ami François (auquel je m'identifie particulièrement suite à son relooking) qui sera notre president. Si c'est la cas, la France sera, pour sûr, plus accueillante et nous auront moins honte de dire qu'on est français à l'étranger. Est-ce que pour autant cela me fera revenir...? Il y a fort à croire que la motivation à contribuer aux projets MSF me poussera encore hors des frontières de l'hexagone.
Je prévois tout de même une petite halte en haute Savoie, au moins le temps d'aider mes parents à faire des cartons et à déménager (oui les parents, vous avez bien lu !!)... On verra bien quand la nouvelle et superbe maison sortira de terre ! D'ici là esperons que maman sera bien requinquée, et que cette foutue maladie ne sera plus qu'un mauvais souvenir ! Le jour reviendra ou on reparlera de voyages à la place des traitements et de leurs effets secondaires...
Lorsqu'on voyage, on se rend compte que certains passent leur temps à bouger, à faire du business aux quatre coin du globe... Ce serait intéressant d'avoir une photo instantanée des situations de chaque passager ! Je repense toujours à Sylvette (je présente ma petite soeur à ceux qui n'ont pas l'honneur de la connaitre !) qui me disait que prendre le métro à New York la fatiguait car elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer dans quelle situation chacun se trouvait.
Le hasard à voulu que vienne s'assoir à côté de moi, le businessman indien dont j'avais reperé la provenance dans la salle d'embarquement à sa première phrase à l'accent si typique. Dès que je l'ai entendu, les images de l'Inde ont ressurgit ! Il habite dans une ville au nom imprononçable (en tous cas incompréhensible) au nord ouest de New Delhi, qui a la particularité d'avoir été dessinée par Le Corbusier. Si Lionel était là, j'aurais déjà eu droit à tout une explication détaillée, datée et pleine de références...
Mon voisin de dernière, un sénégalais, a eu une belle frayeur car il a failli ne pas pouvoir monter dans l'avion pour une histoire de visa dont il aurait besoin pour transiter à Addis Abeba. Étonnant, je ferais escale au même endroit et on ne m'a rien demandé à moi... La difference de couleur de nos passeports y est peut être pour quelque chose.
Pourquoi est-ce si compliqué d'aller d'un point à un autre. Qui disait que nous naissions tous égaux ?!!
"Entoutcas-vraiment" (expression typique au Niger) Céline (ma sœur, elle c'est la grande, celle qui adore l'Afrique !) m'avait bien dit que je trouverais les gens sympas !
Je me sens toutefois un peu coincé et trop rigide face à la coolitude ambiante. C'est comme au bureau : on dit de moi que je ne prends jamais une minute pour boire un thé... Il faut être un peu fou, non ?! Entoutcas, pas facile à 39 ans de changer d'attitude et même si je dois passer pour quelqu'un de trop sérieux, et bien c'est comme ça ! Il faut assumer.
Heureusement je ne suis plus au bureau et je suis bien décidé à prendre le temps de parler tranquillement avec les gens. J'espère que Mamadou, mon ami sénégalais (oui : on vient de faire un peu plus connaissance !) aura le droit de sortir de l'aéroport pour sa nuit de transit. On pourrait alors découvrir cette ville qui nous est inconnue à tous les deux...
16h15, heure de Niamey. Nous avons fait plus de la moitié du voyage vers Addis. Je n'ai pas vu le temps passer. C'est fou ce que je suis bavard à travers cet écran virtuel ! Je réalise que je suis sur un rythme "à fond", comme lorsqu'il faut répondre à 50 mails par jour, rédiger des compte rendus, des stratégies, des lettres, des contrats, des conventions... Au moins maintenant, je suis tranquille : j'écris ce que je veux, je formule comme je veux, et je n'ai pas le risque de heurter la sensibilité de tel ou tel collègue mal luné (enfin, je l'espère !). De toute façon il y a peu de risques qu'un collègue trouve le temps de lire ces lignes qui n'apportent rien à la stratégie : il faut rester concentrés sur les objectifs et les échéances !
Décidément, je ne changerais pas si vite... le travail me poursuit !
Il est donc grand temps de me changer les idées en regardant quelques vidéos embarquées dans mon bel outil si agréable au touché ;-)
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Quelques heures plus tard... Enfin à l'hotel après une interminable attente à l'immigration. La chambre est grande et confortable avec vue sur une 4 voies, loin du centre ville... Je vais donc mettre à profit cette étape pour dormir, vu qu'il n'y a rien d'autre à faire !
3 commentaires:
Euh bonnes vacances philosophiques et reposantes!
Chandigarh 1951 Le Corbu et son cousin
et la main qui te salue !
Bonnes vacances le Seb, et surtout oui n'oublie pas de décrocher pour repartir de plus belle ;0) pas facile je compatis...le terrain me manque et je n'ai pas besoin de t'expliquer pourquoi.
Bises
La magarienne
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